Témoignages d'Aspies
Témoignage de Jonathan
Dès mon enfance, on avait remarqué que j’étais différent ; je n’avais pas beaucoup de copains, j’avais tendance à rester seul dans mon coin. J’avais par contre une bonne mémoire et j’ai su lire très tôt, avant mon entrée en CP. Au collège et au lycée, j’ai eu quelques soucis avec certains élèves, mais sans aller jusqu’au harcèlement permanent, je pense avoir eu de la chance sur ce plan-là.
J’ai eu mon baccalauréat avec mention, ai poursuivi des études supérieures et j’ai même obtenu le CAPES d’histoire-géographie.
Le stage a néanmoins été désastreux, j’ai été incapable de faire face au chahut permanent, à gérer mes classes. Je n’en pouvais plus, j’ai fini par craquer, me mettre en arrêt de travail avant de démissionner de l’Education Nationale.
Parallèlement, ma mère essayait de voir s’il y avait d’autres cas semblables au mien. En lisant des livres, des romans, en regardant des émissions de télévision, elle a fini par entendre parler du syndrome d’Asperger et a vu chez les personnes ayant ce syndrome beaucoup de traits de caractère qui se retrouvaient chez moi. Après m’avoir parlé de ses découvertes (en prenant beaucoup de pincettes), elle m’a orienté vers plusieurs spécialistes de la matière, puis vers un Centre de Ressources Autisme.
Là, j’y ai passé plusieurs tests destinés à détecter le syndrome d’Asperger et le diagnostic s’est avéré positif. Ce fut pour moi un soulagement, car savoir qui j’étais vraiment me permettait de prendre un nouveau départ et de mieux me comprendre. Par exemple, j’ai pu mieux saisir pourquoi le bruit fort me stressait (notamment quand j’étais professeur stagiaire), car l’hyperacousie se retrouve souvent chez les autistes Asperger.
J’ai par la suite été mis en relation avec une association qui aide les jeunes et moins jeunes autistes Asperger pour leur insertion dans la vie professionnelle et personnelle, je suis suivi par une psychologue qui m’aide à mieux gérer les situations stressantes et imprévues et j’ai un référent emploi qui m’a aidé à multiplier les expériences professionnelles à travers divers stages (journalisme, associations culturelles).
Il reste encore beaucoup de choses à faire, mais je me sens beaucoup mieux qu’il y a plusieurs années et j’espère que la compréhension de l’autisme progressera en France au fil des années.
Jonathan
Témoignage de Mickaël
Il y aurait tellement de choses à dire sur l’autisme. Par où commencer ? D’abord je me présente : j’ai 46 ans et j’ai été diagnostiqué asperger il y a à peine 5 ans, j’étais déjà adulte, j’avais déjà une certaine expérience de la vie et je n’aurais jamais imaginé auparavant appartenir à ce « club » (qui n’en est pas un, d’où les guillemets, il s’agirait plutôt en réalité d’un « club de solitaires » qui ne se connaissent pas ou se fréquentent peu).
Ce sont mes parents qui se sont doutés de cela ; j’ai passé les tests sur leur conseil. Pas plus qu’un fou ne sait qu’il est fou, ou un con ne sait qu’il est con, un autiste ne sait pas nécessairement qu’il est autiste. On repère cela en général en cas d’échec scolaire ou d’incapacité (relative à notre époque de chômage croissant) à rentrer normalement dans la vie active. Ayant été un très bon élève durant mon parcours scolaire, il m’a donc fallu affronter le monde cruel des adultes pour comprendre que quelque chose clochait chez moi (mais c’est la version polie : en réalité, je pense que ce sont les gens dits « normaux » qui sont mûrs pour la psychiatrie), avant je ne posais pas trop de problèmes : on me trouvait juste bizarre, les professeurs me considéraient volontiers comme un attardé jusqu’à ce que mes résultats scolaires contredisent cette séduisante hypothèse.
Un exemple pour vous éclairer : à 8 ans j’étais le meilleur élève de ma classe mais j’étais le seul de cette classe qui n’arrivait ni à se diriger ni à lacer ses chaussures : autant dire que beaucoup restaient persuadés que je me payais leur tête – d’ailleurs ils le pensent toujours). Cet exemple témoigne de 2 choses : beaucoup de nos concitoyens sont certainement atteints d’un syndrome, d’un handicap ou même d’une pathologie qui leur sont totalement inconnues, la faute à qui : manque d’information, absence de suivi psychologique (dans les domaines scolaire et professionnel), déni général de la société et parfois des familles qui ferment les yeux, obsession des politiques à exiger la même chose de tout le monde (en dépit des différences évidentes de TOUS les individus). Les coupables ne manquent pas ; il n’y a que ça. Il ne s’agit donc pas de faire une chasse au coupable qui serait plus qu’idiote : elle serait inutile ; mieux vaudrait combattre une injustice. La deuxième chose que mon exemple enseigne : Dans ce pays, on ne s’intéresse qu’aux gosses ! Mais, à votre avis, qu’est-ce que devient un enfant une fois qu’il ne l’est plus ?...
Personne (ou quasiment) n’a jamais vu ou entendu parler d’un autiste adulte, à croire que les enfants autistes dont on se préoccupe de plus en plus – j’avoue que de ce côté-là, la France a fait des progrès, notamment en matière de soutien scolaire – s’évaporent dans les nuages dès la fin de la puberté. En tant qu’adulte, il m’est bien difficile de me présenter comme tel : comprenez bien que si vous ne bavez pas en vous cognant la tête contre les murs, si vous êtes capables de regarder votre interlocuteur dans les yeux en répondant à ses questions de façon logique, personne ne vous prendra au sérieux si vous déclarez être autiste (qui reste pour la plupart des gens un synonyme de « débile ») – je ne parle même pas du mot « asperger » qui évoque pour la plupart des gens un synonyme du verbe « éclabousser », ignorance oblige. Le spectre autistique est tellement large qu’il inclut des personnes au profil totalement différent, ce qui rend l’information difficile à faire comprendre. Sachant que beaucoup d’entre nous peinons à nous intégrer socialement et professionnellement, nous sommes immédiatement identifiés aux fameux parasites, feignants et autres fumistes ayant trouvé la bonne parade pour éviter de travailler : 75 % des gens pensent qu’un chômeur est une feignasse qui profite du système et presque tous les responsables politiques pointent ce phénomène – finalement très marginal – par pure démagogie ou, tout simplement, parce qu’ils savent PERTINEMMENT qu’ils ne pourront pas permettre à chacun de trouver un job, aussi minable soit-il. Le jour où TOUS les politiques auront le courage de dire la VERITE à leurs électeurs sur le monde du TRAVAIL, notre vie s’en verra en partie transformée : déjà nous ne serons plus forcés de nous cacher, nous ne ferons plus honte à nos parents (qui pour la plupart d’entre eux SOUFFRENT ENCORE PLUS QUE NOUS de notre handicap). Evidemment on peut se demander d’où je parle, ou plutôt qu’en est-il de mon parcours professionnel : depuis cet été j’ai été pris en emploi saisonnier comme médiateur social – drôle de métier pour un autiste ! – pendant 11 ans d’affilée, j’ai été professeur de français dans plusieurs universités en Chine pendant 2 ans à temps complet (ne vous y trompez pas : le temps complet en Chine, cela veut dire que l’on travaille TOUT LE TEMPS !), et avant j’ai tenté ma chance dans différents secteurs artistiques, mais hélas sans succès. A chaque fois que j’ai travaillé, je crois avoir contenté tout le monde (de mes supérieurs à mes élèves, en passant par les différents acteurs de la station balnéaire où je sévis chaque été), cependant sans un piston au préalable, personne ne m’aurait jamais engagé : inspirant une méfiance, du moins une réserve, que je ne m’explique pas, je n’ai jamais réussi à trouver un travail en me contentant d’envoyer un C.V., une lettre de motivation, en demandant un rendez-vous ou en me présentant à un employeur, JAMAIS ! Sans piston, je me serais fait recaler de partout : j’ai un profil différent et une personnalité différente, je n’ai ni épouse ni enfant, je n’ai pas de voiture, je ne m’intéresse ni au foot ni à l’argent, je suis intelligent et humain, bref tout pour déplaire ! Sachez-le une bonne fois pour toute, envoyer un C.V. ou se présenter devant un employeur ne marche que lorsque l’on a un profil lambda, que si l’on est un « beauf », auquel cas le contrôle établi par Pôle-Emploi pour vérifier la recherche des demandeurs qui ont un profil d’intellectuel ou d’artiste ne sert strictement à rien, si ce n’est à en radier quelques-uns à la tête du client pour faire quelques menues économies ! Il me semble avoir joué le jeu, je n’ai pas été trop gourmand : chaque été je ramasse toutes les épaves, tous les ivrognes, tous les abrutis de ma ville, et cela parfois jusqu’à 8 heures du matin en me faisant vomir dessus. Je ne connais aucun type de 46 ans qui travaille jusqu’à cette heure-là (hormis mon patron), comme beaucoup d’autistes j’aime vivre la nuit mais il y a des limites, à mon âge je commence à fatiguer, je pense que c’est ma dernière année au service de la Mairie.
Soyons donc optimiste pour l’avenir. Si l’on veut réellement intégrer les autistes ADULTES dans le monde du travail, il faudrait déjà savoir pour quoi ils sont faits, c’est encore le meilleur moyen de les « exploiter » au bon sens du terme. Si vous essayez de vous débarrassez d’eux en leur refilant les pires corvées ou les travaux les plus stupides, étant très peu polyvalents bien que disciplinés, ils risquent fort d’en être proprement incapables, et ce ne sera pas la peine de nous sortir votre éternel : « il le fait exprès ! » NON, ON NE LE FAIT PAS EXPRES !
Quel est l’intérêt d’être un autiste dans un monde où tout le monde les rejette, soyons sérieux cinq minutes ! Parlons concrètement : je réalise depuis janvier 2017 une sorte de B.D.-collage, un projet de mille pages (déjà réalisé pour moitié) évoquant le sort de deux cinéastes (Tarkovski et Paradjanov pour ne pas les nommer) en butte au régime soviétique durant leur carrière, cela traite aussi de leur improbable amitié dans ce contexte et du monde (du cinéma) soviétique sous l’ère Brejnev.
Qu’on l’aime ou non, cet album constitué de 13 épisodes (d’une centaine de pages illustrées) possède un indéniable intérêt pour ceux qui s’intéressent à ces personnages, leur incroyable destin et leur époque : j’ai traduit moi-même tous les articles, documents et témoignages qui y figurent du russe en français (plus rarement de l’ukrainien, du géorgien, de l’arménien ou du roumain). Tous ces documents précieux et ces anecdotes tragi-comiques ne sont pas accessibles au lecteur francophone ou anglophone, c’est pourquoi je pense que mon travail peut intéresser certains éditeurs, indépendamment du travail iconographique que l’on y trouve. Sachant que, dans ce pays, rien ne se fait sans intermédiaire (sauf si l’on veut livrer des pizzas), je vous saurais gré de bien vouloir m’aider dans mes démarches pour rencontrer ces personnes : mon sort professionnel – peut-être pas financier mais certainement professionnel – ne dépend que d’une d’entre elles. Je sais bien que juger une œuvre artistique ou même journalistique n’est pas forcément de votre ressort, je vous demande simplement de me mettre en relations avec des gens qui ont ce pouvoir et ces compétences, si toutefois cela vous est possible. Si je me permets cette audace, c’est parce que je suis convaincu qu’on ne peut nous intégrer dans la société qu’au cas par cas, à l’âge adulte nous sommes bien trop différents pour être intégrés dans une sorte de « plan » collectif, d’où la difficulté justement de s’occuper des adultes. Ne l’oubliez pas, l’enfance dure peu de temps, mais l’âge adulte peut être sacrément long, pour nous parfois interminable. Egalement ce « petit détail » : l’enfance jouit d’un encadrement et d’une certaine affection (ne serait-ce que celle des parents), rien n’est moins sûr pour l’âge adulte.
Me mettant à votre disposition pour vous transmettre un échantillon des documents évoqués si besoin est, je vous remercie de l’intérêt que vous porterez à ces lignes, vous souhaite bon courage dans vos démarches en faveur de l’autisme et m’excuse par avance de mon manque de tact – les autistes en manquent souvent cruellement même s’ils ne s’en rendent pas toujours compte.
MB
Auto-interview de Rosa
Présentez-vous : Je suis un spécimen de la race humaine, mon vaisseau « mère » m’a déposée sur cette terre, à la différence de mes congénères je vis avec le syndrome d’Asperger. Je viens d’une contrée à l’ouest, j’ironise souvent en disant que je suis à l’ouest de l’ouest (hommage à Mr Schovanec qui lui est à l'est, cf livre « Je suis à l'est !) et cela tombe bien puisque je perds souvent le nord !
Qu’est que cela fait de se savoir Asperger ? J’ai toujours intimement su que quelque chose allait de travers (doux euphémisme), donc cela n’a pas été une réelle surprise (je n’aime pas les surprises) mais plutôt une révélation, une illumination, une compréhension. Cela a comblé une énorme faille dans mon système d’exploitation, maintenant il faut que je m’attaque à défragmenter tout ça.
Cela change tout (ça remue !) et en même temps je suis toujours la même, autour de moi, le monde n’a pas changé d’un iota. Mais cela m’aide à voir les choses autrement. Dans tous les cas mes empreintes digitales sont toujours uniques et non modifiées ! Je suis juste différente, rien de moins, rien de plus.
Quelles sont vos activités préférées ? Les enquêtes, les thrillers, les énigmes, les recherches et les quizz. J’aime la lecture et le cinéma. Si je devais résumer, je dirais que je me nourris d'informations.
J’adore dormir et surtout rêver (et ce malgré des insomnies bien installées), car dans mes rêves personne ne me juge, ne m’observe (ah le fameux regard des autres !), je suis libre et mon imagination n’a pas de limites ! Mon ordinateur me donne aussi cette sensation avec toutefois quelques restrictions d'ordre matérielles et avec les limites de mes connaissances informatiques.
J’aime la répétition dans le sens « répétitif » mais aussi répétition dans le sens « se préparer, s’entraîner ».
Quels sont vos défauts ? : douter beaucoup, se soucier trop du regard de l’autre, l’impatience, la procrastination. Tout est organisé dans ma tête mais cela peut être le capharnaüm dans ma vie de tous les jours.
Le repli sur moi, l’anxiété (peur de l’inconnu, du changement et de mal faire), la colère, parfois la violence (rare et apparue sur le tard).
Récente aussi ma propension à couper la parole voire la monopoliser, un débit verbal rapide et en apnée (trop de choses contenues et cachées qui veulent toutes sortir en même temps) ; je suis la reine des digressions, c’est la faute de mes synapses qui fonctionnent par associations de pensées, images, odeurs etc. Imaginez le métro japonais à l'heure de pointe vous aurez une « petite » idée de ce qui se passe dans mon cerveau, et tout ça pas aussi ordonné (car les japonais eux sont bien disciplinés!), pour moi tout est interconnecté dans notre monde.
Pourtant, avant j’étais plutôt mutique, (j’ai connu le syndrome de la plante verte !), ouvrant ma bouche juste pour me défendre et défendre d’autres personnes, ou pour combattre des injustices flagrantes, des faits erronés et des incohérences évidentes. J'ai l'indignation prompte.
Je suis une éponge sensorielle que je ne sais pas essorer et j’ai aussi un coté qui gratte, mieux vaut ne pas s’y frotter.
Pour conclure avec une autre image, mes boutons de réglages sont défectueux. Problème de fabrication à l’usine Asperger. Après les avoir contactés ils m’ont assurés qu’on pouvait réduire ce gros désagrément, j'ai hâte de savoir comment ! (il paraît que Chiara Lorenzini serait en charge de leur service après-vente)
Et vos qualités ? La franchise, l’honnêteté intellectuelle et morale, la spontanéité ; l’écoute attentive, le partage et un intérêt sincère pour les autres. J’apprécie également d’aider les autres et suis prévoyante à l’extrême (pas comme Mme Irma), mais cela peut devenir très « pénible » à gérer si je suis fatiguée ou au bord d'un effondrement autistique (que je ne savais pas détecter avant mon diagnostic, mais désormais je les sens venir).
Une soif d’apprendre inextinguible, donc une curiosité presque tous azimuts, et sans limites dans la durée. Une hypermnésie (qualité à double tranchant) mais là j’avoue que le disque dur commence à saturer, et j’ai grillé quelques composants neuronaux durant mon périple.
Que détestez-vous dans notre société ? : Les jugements trop hâtifs, la superficialité, la rancune tenace, les idées toutes faites, les moutons (de Panurge), la surconsommation, le gaspillage et par-dessus tout le mensonge, l’injustice et la mauvaise foi (ces trois-là sont souvent colocataires !)
Et je ne me m’étendrais pas sur tous les falbalas qui entourent les rapports sociaux. Je ne sais toujours pas le pourquoi des 2 bises ici, des 3 bises ailleurs…et ça ne m’intéresse pas.
Je n’aime pas ces phrases toutes faites : ça va aller (où?) ; faut faire avec (quoi?) ; secoue toi (comment ? Je ne suis pas un chiffon à poussière) ; on va y arriver, faut s’accrocher, et j’en passe….
L’adverbe. « Vraiment » me perturbe les neurones car j’entends le son « vrai » suivi de « ment » par exemple.
La plus grande souffrance selon vous ? L’isolement (non choisi). Surtout si en prime il a pour compagne la peur, l’incompréhension et l’humiliation.
Vous êtes asperger, possédez-vous un don comme Rain man ?
Oui bien sûr, j’ai celui surtout de mettre les pieds dans le plats quand il ne le faut pas,(= faux pas !) et de ne pas toujours savoir sur quel pied danser (encore des expressions à la noix des neuro typiques).
J’ai le don (ou une punition ?) d’être attirée par les moindres détails, de déceler les erreurs (et de le faire remarquer!), les incohérences, les choses illogiques en particulier dans les scénarios de films.
Le don que je chéris le plus c’est de ne pas m’ennuyer, je peux regarder pendant de longues minutes, voire des heures une colonne de fourmis, une coccinelle, les moustaches de mes chats, mes fleurs qui poussent etc. sans même voir le temps passer. Ou rester complètement immobile à rêvasser, m’évader, voyager, écrire dans ma tête.
Votre musique préférée ? Le ronronnement de mes chats, c’est le meilleur anti dépresseur que je connaisse, et les caresser est un des meilleurs calmants naturels, je le recommande et à hautes doses! Pas d'effets secondaires !
La musique des mots, musique différente dans chaque langue (d’ailleurs le nom « Asperger » à un son que je n'aime pas du tout, heureusement c'est l’anagramme parfaite de « présager »).
Mais aussi le funk, invitation à la danse et à la joie, et le hard-rock pour les rythmes assez binaires qui me procurent des vibrations très agréables, musique qui me permet de décharger mon surplus de tensions accumulées. Je peux faire du head bang (=fait de secouer la tête au rythme de la musique) à ma guise et je réalise aujourd'hui que pour moi c'est une sorte de stéréotypie toléré par la société.
Et bien évidemment un des plus beaux sons…le Silence ! Sans les silences il n'y aurait pas de musique, cela deviendrait une cacophonie (mot / son, que je n'aime pas)
Les personnes Asperger ont souvent des routines et vous ? D'abord je voudrais dire qu'enfant j'ai subi les routines, rituels, de ma mère (qui présente selon moi des traits autistique marqués), c'était plutôt désagréable et stressant et j'en garde un mauvais souvenir. Aujourd’hui j'ai une flexibilité contrôlée sur mes routines, j'évite de trop les imposer ou de les montrer. Mais je vais vous en citer quelques-unes :
En voiture j'aime faire le même trajet, une déviation, des travaux etc. et me voilà perturbée ou agacée quand mon mari prend un autre itinéraire sans m'en avertir.
J'ai un toc de vérification, par exemple je vais devoir relire de nombreuses fois ce que j'écris (mail, lettre, etc.) avant de les envoyer. Pour les mails j’ai le même rituel après l'envoi et si par malheur, j'ai laissé passer des erreurs, je vais me sentir mal le reste de la journée.
Un cadre un peu bancal et hop ! je ne peux réprimer l'envie de le remettre d’aplomb.
Et un dernier pour le fun : dans mon enfance et même plus tard j'ai souvent entendu dire « oh là là tu t' es (encore) levée du pied gauche ! » Et bien depuis le jour où j'ai entendu cette expression je mets un point d'honneur à poser le pied droit en premier lorsque je sors du lit, comme ça dans ma tête je me marre en me disant « eh non … vous avez tort ! » (En outre le fait que j'ai n'ai pas envie de faire la causette avec vous ou que je ne souris pas, ne veut pas dire forcément que je suis de mauvaise humeur).
Les femmes Aspergers sont souvent décrites comme des caméléons qui portent un masque en société. Et dans votre cas? Bien que j'aie porté ce masque, j'ai été le plus souvent possible « authentique » en me montrant telle que j'étais, mais le fait d'avancer dans la vie sans masque m'a causé bien des désagréments.
Quand j'ai porté ce fameux masque (invisible par ailleurs) je ne pouvais pas le garder longtemps de toute façon, cela devenait vite invivable pour moi et tout se fissurait. Depuis mon diagnostic récent (2018), je me disais que j'aurais peut-être dû le porter plus souvent, mais je suis tombée sur une interview du Dr Tony Atwood (spécialiste mondial du syndrome d'Asperger) qui déconseille fortement de porter ce masque sur le long terme. Par ailleurs je me suis dit que quand les neuro typiques se déguisent à l’effigie de leur personnage préféré, ils ne voudraient pas porter ce masque toute une journée ou de façon répétée.
Porter un masque social pour un Aspie peut être dévastateur parce que l'on se sent « obligée » de le porter alors que l'on ne le souhaiterait pas. Cela nous demande un réel EFFORT et pour ma part c'est trop inconfortable voire douloureux .
Un dernier mot ? La normalité conduit à l’ennuyeuse uniformisation de la pensée et des idées. La différence mène à la diversité enrichissante et à une tolérance bienveillante, pour cela il faut se battre contre l’ignorance…..l’éducation et la diffusion de la connaissance sont primordiales pour aller dans ce sens. Et cela ne s'applique pas qu'au syndrome Asperger !
Signé :
la chauve-souris (pour mes activités nocturnes)
alias l’ordinateur (pour le stockage d’informations)
séraphine l’ouïe fine et œil de lynx...
(tous ces surnoms m'ont été donnés par amis, famille etc.)
Post-scriptum Si ma personnalité vous plaît, vous pouvez me contacter sur adopteuneaspie.com sous mon pseudo (êtreatypiqueçapique)
REMERCIEMENTS
Je saisis l'occasion pour rendre hommage publiquement à la psychologue Chiara Lorenzini (que j'arrive à imiter assez bien ce qui fait bien rire mon mari, eh oui les asperger ont parfois des facilités d'imitation) qui m'a accompagnée et m'accompagne encore dans ce périple. Son prénom Chiara veut dire « claire » mais j'entends chaque fois la sonorité « cara », « chère » en français. Oui c'est quelqu'un qui a une grande valeur. Valeur qui se traduit en espagnol par « valor » qui signifie valeur mais aussi « courage » et elle n'en manque pas. Je la remercie sincèrement d'être arrivée à temps dans ma vie (j'ai eu mon diagnostic à 55 ans je vous parlerais bien de ma relation spéciale aux chiffres et aux nombres, cela sera pour une prochaine fois, mais je peux vous dire au moins mon aversion pour les multiples de 3).
Je la remercie d’être ouverte d'esprit, d’être bienveillante et de savoir aussi être ferme lorsqu'il le faut et de s'investir pour nous en prenant sur son temps de vie personnel. Je sais qu'elle va être gênée par tous ces remerciements (que je lui ai déjà adressés en privé) et dira sûrement qu'elle fait juste son travail. Et bien moi je dis juste ce que je pense d'elle.
Donc je tiens à ce que ces mots et ces quelques citations soit vus et lus par vous tous.
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Parfois notre lumière s'éteint, puis elle est rallumée par un autre être humain. Chacun de nous doit de sincères remerciements à ceux qui ont ravivé leur flamme.
(Albert Schweitzer)
Dans mon cas, cet être humain c'est Chiara Lorenzini, parce que ma flamme était plus que vacillante lorsque je l'ai rencontrée.
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La reconnaissance donne un sens à ton passé, apporte la paix pour aujourd’hui et crée une vision pour demain. (Melody Beattie)
Merci Chiara de m'avoir permis de me reconnaître enfin ! (reconnectée à moi et reconnue ) Pour la paix et le futur on verra....
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Remercier est plus que de bonnes manières ; c’est de la bonne spiritualité.(Rabbi Harold Kushner)
MERCI Mme Chiara LORENZINI (je suis tentée de rajouter merci du fond de mon cœur , mais je suis asperger et je ne sais pas où se trouve le « fond » de mon cœur et est-ce que les remerciements ne viennent que du cœur ?) ouille ouille ouille, voilà encore mon cerveau qui s'emballe...
Ros@
Témoignages de parents
Témoignage de la maman de D
Né le ../../1982 D a rapidement montré des difficultés d'ordre comportementaux incompris de tous. Les conséquences furent de le marquer encore aujourd'hui. Dès son plus jeune âge, ceux-ci ont attirés mon attention sans en comprendre l'origine. Ces troubles marqués par de l’incompréhension de D dans des situations du quotidien, classiques, banales, ont pour conséquence de lui faire apporter des réponses inadéquates entraînant de la surprise chez son interlocuteur, son groupe. Celles-ci, en fonction des périodes de vie, ont entraîné railleries, moqueries, colères, et en conclusion rejet, isolement, solitude et enfin, dans des contextes plus graves exploitation, racket, humiliation.
Au domicile, D restait souvent dans sa bulle et dans l'enfance il s'amusait, pour exemple, à courir de longue période le long du couloir en tournant en rond. A l'âge adulte et aujourd'hui encore, D a trouvé dans la course à pied une échappatoire (Niveau Marathon : Paris, New York, Tokyo....)
En groupe comme en face à face, D peut apparaître déconnecté, absent. Il a du mal à se concentrer et rester concentré. Il ne comprend pas les sous-entendus dans les discours, ne sais pas décoder les aspects non verbaux de la communication, est maladroit dans ses réponses voir « complètement à côté ». Toutefois, il est méticuleux, précis, perfectionniste, ponctuel, dispose d'une très forte mémoire, serviable... (source : Centre Donald T bron).
Vous comprendrez que la scolarité, sur le plan des interactions humaines aura été très difficile. D à tout de même réussi à obtenir un Bac Pro ainsi qu'un BTS Gestion Comptabilité. Ses difficultés de concentration et compréhension ont marqué ses temps d'apprentissages, se concluant souvent par des migraines ou de la fatigue intense. Mais sa volonté de réussir, de se mettre au niveau de tous, lui a donné la force d'obtenir les diplômes et même un emploi aujourd'hui (Au sein d'un commerce).
Trouver une voie, dans ce quotidien, n'aura pas été simple. A la fin de la primaire un cursus technique apparaissait la seule possible. D a donc été orienté vers le travail du bois. Ce fût un échec. Sa maladresse dans l'utilisation des machines, l'ont conduit vers une réorientation, plus par dépit que choix. Les temps de stage professionnel au sein des entreprises auront été des temps de grande douleur (exploitation, rejet...).
Le plus marquant dans toutes cette situation est que personne n'a réellement aiguillée, expliquée, ou même donnée un début de piste au mal qui habitait D, d'une manière efficace. Ni les enseignants, professeurs, médecins, professionnels de santé, travailleurs sociaux, rencontrés tout au long de sa vie n'ont aidée. Sans aucun doute par méconnaissance. Il est vrai, que du côté familial, le sentiment de honte et d'angoisse aura plutôt conduit à toujours accompagner D lui laissant aucune autonomie afin de cacher au mieux, son comportement à la société. Pour info, son père, décédé aujourd'hui, présentait les mêmes caractéristiques que D.
Des choses auront été tout de même testées :
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Orthophonie (CMPP), on lui attribuait un retard de langage. Une orthophoniste aura émis l'hypothèse de la dysphasie;
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Internat dans un Institut Thérapeutique Éducatif et Pédagogique de 8 à 11 ans (soit du CM1 à la 6eme) pour le traitement des troubles comportementaux (sans doute la période la plus douloureuse de la vie de D) ;
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Sophrologie....
Aujourd'hui encore D cherche à comprendre son mal. Il interroge, rencontre écoute. C'est par pur hasard qu'un jour, dans une émission télévisuelle, j'ai entendu parlée par un philosophe du « syndrome d'Asperger ». Les recherches sur internet ont conduit vers le centre Donald T à Bron qui a apporté enfin un diagnostic et a aidé à mettre des mots sur les difficultés de socialisation de D. Mais c'est le hasard qui a apporté les réponses, ni le personnel de santé du quotidien, ni le personnel d'éducation, ni même notre médecin généraliste. Ceci témoigne de l'inculture, de tout un pan de la société. Savoir aurait forcément orienté différemment l'accompagnement de D au quotidien avec peut être un autre vécu....
Témoignage d'Isabelle M,
5 novembre 2017,
Maman de R…, 21 ans
14 ans d’attente pour un diagnostic, c’est long. Pour notre malheur, nous avions des professionnels de la santé dans notre entourage familial et cela n’a pas été aidant.
Grâce aux associations de parents, finalement, nous avons enfin pu avancer. L’aide, en fait, elle était là.
Cela m’a fortement encouragé.
J’ai non seulement pu me former, accompagner au mieux mon fils, changer de métier pour continuer le … combat !
Avant d’atteindre les 14 ans, et ce diagnostic d’autisme Asperger, notre fils avait pourtant effectué une période d’observation de trois semaines dans un grand hôpital parisien, auprès d’un non moins grand expert de … l’autisme !
Aujourd’hui, je sais bien pourquoi ces trois semaines d’observation non pas servi à grand-chose (c’était en 2004 et R….. avait 8 ans).
Grâce à Actions pour l’autisme Asperger, j’ai suivi une formation et obtenu un « Certificat d’accompagnement d’enfant ou adulte autiste ».
Je mets en pratique cette formation dans mon quotidien (pour mon fils, et pour tous ceux que je connais dans l’association), ainsi que dans mon nouveau métier : je suis « Accompagnante privée d’enfant autiste » en scolaire et à domicile.
Je ne remercierai jamais assez l’association Actions pour l’autisme Asperger de m’avoir permis de suivre une telle formation avec l’Université du New Brunswick (auprès de laquelle je continue mes formations car je le sais encore mieux aujourd’hui, la formation continue est capitale dans le domaine de la santé et de l’éducation).
Aujourd’hui, mon fils a un CDI dans une entreprise adaptée et travaille dans le secteur qui le rapproche de son centre d’intérêt, les avions. Pour y arriver, j’ai dû me battre à ses côtés pour le faire accepter dans ce cheminement, tel qu’il le fallait et avec ce qu’il était. Cela n’a vraiment rien eu de simple mais c’était quelque chose au bout duquel je devais aller, et cela a marché !
Il a fallu particulièrement construire un partenariat entre : le CFA (formation professionnelle, en alternance), l’AGEFIPH, le CAP EMPLOI du Val de Marne, la MDPH, la Région IDF, le Défenseur des droits, le Groupe autisme de l’Assemblée Nationale, l’ARS, etc … Quand je l’écris, encore aujourd’hui, je réalise à peine tout ce que j’ai dû faire pour, par exemple, que mon fils aie une AVS dans son CFA…
C’est tout cela, toute cette expérience, que je souhaite transmettre à tous ces jeunes et à leurs parents. On peut les aider, et même on doit. Ils le méritent tous. Il y a un travail de sensibilisation à accomplir qui a bien commencé mais qu’il va falloir porter jour après jour. Dans ce pays, nous partons de loin.
J’ai beaucoup de patience, j’en ai pour la suite et beaucoup d’espoir. Mon fils m’y a fortement aidé.
La route est encore longue, merci de nous permettre de continuer à porter ce combat.
Un diagnostic tardif
Témoignage :
Triptyque
Diagnostic tardif, Absence de prise en charge, Souffrance scolaire
-
Un diagnostic tardif ou l’absence de formation des praticiens
Un petit garçon merveilleux mais différent
PL est né en 2002. Il se développe plus lentement que son aîné, différemment, mais rien de vraiment inquiétant. A la maison c’est un petit garçon heureux, inventif, câlin, qui passe son temps à regarder des livres, à les raconter ; il chante parfaitement bien ; il a une excellente mémoire. Il joue avec son frère. Certes il n’est pas simple à gérer : il n’écoute pas, ne s’habille pas tout seul, s’endort très difficilement. Mais j’ai pu constater mille fois les preuves de son intelligence, alors je suis confiante, il est différent, c’est tout.
Sa rentrée en petite section est comme une bombe dans notre vie de parents heureux. PL est tout de suite pointé du doigt par la maitresse qui parle déjà d’échec scolaire. Je ne comprends pas.
Nous consultons une psychologue qui nous parle d’immaturité, rien de grave, nous avons le feu vert pour redevenir des parents confiants. Nous essayons de l’être.
L’entrée au CP
A l’école les problèmes s’aggravent : il est décalé par rapport aux autres, ne réussit pas les exercices en grande section. Nous pressentons que le CP sera difficile. Et il l’est : étiqueté « escargot de la classe » par la maitresse, les points rouges s’accumulent. PL baisse la tête quand il me montre ses résultats comme un condamné à la barre du tribunal. J’essaie de le rassurer, de le valoriser. Mais le mal est fait. Il perçoit ses difficultés, et à partir de ce moment, il n’a plus aucune estime de lui. Pourtant il fait des efforts. D’énormes efforts pour y arriver. Et je ne l’épargne pas. Je refais la classe avec lui le soir, j’invente toute sorte de moyens pour jouer avec les maths, je crée des power point imagés pour qu’il comprenne le sens des leçons. On se bat. Chaque journée est un combat.
Mais PL fatigue, s’épuise et finit l’année en dépression. Une dépression à l’âge de 7 ans.
Les consultations au Centre Médico Psychologique
2009
La psychologue scolaire nous conseille de demander une place au CMP de secteur. Après 3 mois d’attente, une pédopsychiatre reçoit PL et, au bout de quelques mois, nous explique que sa place de cadet dans la fratrie est problématique, et que sa relation à moi a été perturbée par l’arrivée du benjamin. Youpi !
4 années de « suivi » avec cette pédopsychiatre suivent ce premier « diagnostic ». Les séances sont un cauchemar pour PL. : derrière la cloison je l’entends taper dans le mur … Je me sens impuissante, je vois bien que cette prise en charge n’est pas adaptée, mais que faire ? Je demande à voir la pédopsychiatre seule, mon intention étant de lui dire que je ne vois pas l’intérêt de ces séances pour PL, mais elle me reçoit toujours en présence de PL. Alors, je ne dis rien.
A l’école c’est l’enfer. Dans la cour il est maltraité par un prédateur qui lui donne des coups de pied. J’alerte les maitresses. On me répond qu’il doit apprendre à se défendre. Je demande un rendez-vous à la directrice qui m’annonce qu’en l’absence d’enseignants spécialisés (le RASED vient d’être supprimé), PL va avoir de plus en plus de difficultés. Elle envisage soit un redoublement du CE1 soit un redoublement du CE2. Je suis en colère. Mais je ne dis rien.
On n’avance pas. Sa souffrance m’est insupportable. Je pense à une déscolarisation. Au moins à la maison il serait bien. Mais cela veut dire le couper des autres. Lui qui a déjà si peu d’amis…
Sauvé par une otite :
Consultation dans le cabinet de notre pédiatre, un jour d’otite ; elle est en congé, PL est examiné par la remplaçante qui, l’ayant déjà vu 2-3 fois, s’interroge sur son comportement décalé. Elle me demande si je serais d’accord pour demander l’avis d’un neuropédiatre. Je n’hésite pas une seconde ! « Oui ! » Enfin quelqu’un qui me propose un bilan !
Le début de l’attente. Nous sommes en 2010.
6 mois d’attente pour obtenir le rdv en clinique privée.
Le neuropédiatre a compris. Il comprend en 20 minutes ce qu’une collègue n’a pas compris en 4 ans. Mais il me ménage (je suis venue seule au cabinet avec mes trois petits garçons), me pose délicatement la question « est-ce qu’on a vérifié s’il n’est pas autiste ? ». Je lui dis, bien sûr que non, il n’est pas autiste, il parle, il va à l’école … Il a compris. Il me suggère de contacter le CEDA, car « la pédopsychiatre du CMP s’est peut-être trompée, ça arrive vous savez... »
Moi je comprends une fois revenue à la maison. Mon fils est autiste. Je m’effondre.
12 mois d’attente pour obtenir le verdict du CEDA : autisme sans déficience intellectuelle.
45 minutes de compte rendu (bilan orthophonique, QI…).
5 minutes de conseils sur les modalités de prise en charge : continuer les séances avec la pédopsychiatre du CMP. Je suggère un suivi ailleurs mais la réponse est ferme : CMP et rien d’autre. J’insiste : « Sa pédopsychiatre ne connait pas l’autisme, elle a PL depuis 4 ans et elle n’a rien vu !!! » Non, c’est sans appel : « PL doit être suivi par le CMP. »
Et le pire : « Voici un numéro d’urgence, si PL parle de suicide, n’hésitez pas à nous appeler. »
Conclusion : on sait mettre du temps à diagnostiquer ; on ne sait pas prendre en charge ; on va droit à la casse, mais pas de souci, on a les urgences psychiatriques et tous les médicaments qu’il faut !
2. L’absence de prise en charge adaptée ou la persistance du service public à se maintenir dans l’erreur
Mes courriers pour demander une prise en charge dans un autre CMP restent sans réponse. Je sais que quelques kilomètres plus loin un CMP est formé à l’autisme. Mais je suis confrontée à la raideur de la structure institutionnelle. Il n’y a pas d’issue. Il faut continuer les consultations avec la même pédopsychiatre. J’ai espoir, elle a peut-être ouvert un livre sur l’autisme Asperger ! Moi j’ai lu Tony Attwood, Laurent Mottron, j’ai dévalisé la bibliothèque du CRA. Et bien non ! La pédopsychiatre n’a pas lu ! Elle me dit « Ah, vous savez à l’époque où j’ai fait mes études, l’autisme ce n’était pas ça ! ». Espoir déçu : on reprend les interminables séances, PL continue de taper contre le mur dans le bureau de la pédopsychiatre. Je serre les dents.
La guerre ne fait que commencer.
Leurs armes : l’ignorance, la certitude
Mes armes : le savoir, l’expérimentation et l’amour.
Je m’informe, j’observe mon fils, je constate qu’il comprend bien mieux les choses avec des supports imagés, je teste, je réfléchis sans arrêt. Ça paye. Il est dans une nouvelle école, en CM1, je travaille main dans la main avec une maîtresse armée de bienveillance. Je la forme. Elle l’encourage. Si elle repère une situation angoissante pour lui, elle corrige le tir. Elle lui apprend à jouer dans la cour avec les autres. Fini l’échec scolaire, fini l’isolement ! Ça marche !
La demande MDPH aboutit ; après un an de démarche administrative, on obtient une AVS, quelques heures seulement mais la maîtresse de CM2 est une femme brillante, elle s’en sort très bien avec PL. En fin de CM2 le constat est général : PL est redevenu un enfant comme les autres ! Victoire !
Je prends confiance. Adieu le CMP. Au fond, je suis libre ! Libre, oui, car nous avons un niveau de vie suffisant pour consulter dans le privé.
C’est cher. Tant pis.
C’est long. Il me faut bien deux ans pour trouver les bons thérapeutes : un psychologue pour les habiletés sociales, un psychologue spécialiste du comportement, un pédopsychiatre pour la prescription de mélatonine, pour les papiers ouvrant droit au 100%, au transport scolaire et aux AVS. Sans oublier un ORL qui connait l’autisme.
Conclusion : il y a des thérapeutes compétents, mais peu nombreux, ils sont difficiles à trouver. Débrouillez-vous. Vous savez que le temps joue contre votre enfant. Il épuise ses réserves de force. Danger imminent.
3. La souffrance scolaire ou l’intolérable irrespect des droits de la personne handicapée
PL est intelligent. C’est acté. Il peut suivre une scolarité normale avec AVS. C’est acté.
Mais je fais une mauvaise pioche : je choisis le mauvais collège…
C’est le retour à l’enfer. PL fait une bonne 6ème (15 de moyenne) au prix d’énormes efforts. Il fatigue. Je demande plus d’aménagements. Refus. La 5ème est tout aussi bonne mais la fatigue devient inquiétante. Je demande plus d’aménagements : refus. Changement de directeur, j’ai espoir d’être enfin entendue, malheureusement je me confronte à l’intolérance : « on a déjà les enfants de divorcés alors si en plus il faut s’occuper des handicapés ».
PL tiendra 3 ans malgré le refus des aménagements scolaires, la pression sur les AVS qui démissionnent les unes après les autres … Trois ans de souffrance. Trois ans d’efforts pour faire tous les devoirs le soir, le we, les vacances. C’est sans fin.
En quatrième PL veut mourir. De la rue, il me montre la fenêtre par laquelle il va faire le grand saut. « Pas celle tout en haut maman parce que j’aurai le vertige, je n’y arriverai pas. Pas celle du premier étage car je vais me louper, tu auras un paraplégique, je ne veux pas pour toi. Alors, celle-là, c’est bon, là j’y arriverai. »
Je pleure pendant un an. Dès que je n’entends pas de bruit dans la maison, j’appelle Paul, je vérifie que tout va bien.
Il tend une corde aux poutres de sa chambre. On le change de chambre. On le console. On le cajole. Je passe des heures à côté de lui pour passer les crises de larmes. On le distrait (musée, musique…). On a peur. On attend.
Il souffre.
Un an. Le temps d’appeler l’inspection ; le temps de réunions insupportables ; le temps à l’administration de constater que les droits de PL ne sont pas respectés.
Il quitte le collège. Mais il est à bout. Il ne peut pas continuer en milieu ordinaire. La MDPH nous accorde deux ans dans un établissement adapté, histoire de se refaire une santé.
Ouf, nous sommes sauvés. Pour deux ans.
Et après ?
Les études ? Le travail ? Nous sommes déjà épuisés par une guerre de tous les jours. Aura –t-il la force de continuer toute une vie ?
Ne pas renoncer. Continuer à se battre.
Mieux encore : trouver des alliés. Je m’engage auprès d’Action pour l’Autisme Asperger, parce qu’il ne faut pas que l’histoire de PL se reproduise, il ne faut pas que d’autres petits garçons ou d’autres petites filles, tout aussi intelligents et méritants, soient détruits par un système qui les méconnait.
Le savoir est la clé du bonheur. Diffusons-le.
Petit tableau à ajouter à ce triptyque, qu’on pourrait intituler ainsi :
« Pendant ce temps, à la MDPH… » ou la difficulté du service public à garantir l’égalité des droits sur le territoire
Alors, pendant ce temps, à la MDPH, voici ce qu’il se passe : un numéro de dossier est attribué à PL, plus une conseillère injoignable qui change de nom et de mail tous les ans et qui produit des préconisations inadaptées une fois sur deux.
Ouf, le droit de recours existe en France ; double ouf même : avec mon bac+5 et mon diplôme en Sciences Politiques je finis par comprendre les rouages de cette administration invisible, intouchable, inaccessible et, finalement, j’obtiens ce qu’il faut pour PL.
Mais les autres, ceux qui ne sont pas formés au langage administratif, comment font-ils ?
Ouf, j’ai renoncé à une activité professionnelle pour m’occuper de mon fils. J’ai du temps. Je peux passer une journée à essayer de joindre la MDPH, en vain de toute façon. Je peux passer du temps à rédiger un dossier, à en faire un deuxième car le premier a été perdu, à attendre une réponse, à reformuler une demande puisque la réponse est inadaptée. J’ai du temps pour ça.
Mais les autres, ceux qui travaillent toute la journée, comment font-ils ?
Ouf, j’ai un bouclier de résistance inusable. Encore un refus de la MDPH ! Qu’à cela ne tienne, je vais écrire au Directeur. Une réponse qui se fait attendre plus de 4 mois ! Pas de problème j’ai plus d’un tour dans mon sac…
Mais les autres, ceux qui n’en peuvent plus, ceux qui doivent avancer les frais, comment font-ils ?
Comment font-ils ? Ils attendent.
Et que se passe-il-pour leur enfant pendant ce temps ?
Il attend.
Témoignage de la maman de M
NAISSANCE
En 1998 notre fils naît par césarienne. Dès sa « sortie » je demande pourquoi il crie autant.
La première nuit les sage femmes le ramène dans ma chambre car ses cris réveillent les autres bébés.
Il ne dort pas, est arquebouté et hurle nuit et jour.
UN MOIS
Visite chez le pédiatre qui nous conseille de lui donner du valium. Je refuse d’en donner à mon enfant car le médecin n’étaye absolument pas sa prescription,
TROIS MOIS
Les hurlements et l’insomnie continuent, nous allons à l’hôpital et restons sous surveillance pendant
3 jours où il y a des examens de faits. Ne trouvant rien, nous rentrons.
SIX MOIS
le généraliste nous conseille de faire un examen pour les reflux. Nous essayons toutes sortes de traitements sans résultat. l’état de notre bébé ne s’améliorant toujours pas, nous consultons un ostéopathe qui trouve notre enfant très contracté et lui fait des pressions douces qui l’apaisent.
Nous consultons des pédiatres, à chaque fois, on nous dit que ça va passer, que nous sommes nerveux (évidemment nous sommes très inquiets et nous ne dormons plus car notre enfant ne dort toujours pas).
18 MOIS
Je signale que mon enfant ne croise mon regard qu’à 18 mois, une date historique pour moi, le sommeil est toujours quasi inexistant et les acidités gastriques très importantes.
PETITE ENFANCE
A 3 ans, Je trouve mon fils qui se tape la tête contre le mur de sa chambre en disant « je suis un con ». Je passe beaucoup de temps à le calmer et à lui parler, je vois bien qu’il est anxieux.
Dès la maternelle, on nous fait remarquer que notre fils est très lent en graphisme et il ne va plus en récréation pour rattraper son retard. Pour les devoirs à la maison j’ai vite compris qu’il fallait les faire à l’oral, que la compréhension était parfaite et l’écriture une véritable torture. Les acidités gastriques, maux de tête, toux chroniques et sensation d’arythmie cardiaque sont très présents. Beaucoup d’absence scolaires dues à son état de santé.
En CM2 son maître nous conseille d’aller au CMPP pour aider M à surmonter ses problèmes de graphisme afin qu’il soit plus performant en sixième.
10 ANS
Après une dizaine de rendez vous au CMPP, il ne se passe rien, aucun bilan, compte rendu, malgré nos demandes.
Notre fils entre en sixième et son état se dégrade, il a des maux de tête, des vertiges, des tremblements de tout le corps. Nous consultons le généraliste, un homéopathe et l’état de notre enfant devenant très critique, nous finissons aux urgences.Il est hospitalisé une semaine et a encore une série d’examens prise de sang, radios, scanners, encéphalogramme, etc … Il est ensuite pris en charge par une pédopsychiatre, une psychologue, a des séances d’hypnoses, de relaxation , il lui est prescrit des calmants et nous faisons une première thérapie familiale. L’hôpital n’obtient aucun document du CMPP .
Au bout d’un an de ses rendez vous, nous arrêtons, le rythme est très fatigant pour toute la famille et il n’y a aucun résultat.
15 ANS
Après cinq années toujours chaotiques, notre fils rentre au lycée. Ses insomnies l’épuisent, il a du mal à tenir le rythme en classe scientifique et nous découvrons qu’il s’automutile profondément et finit par nous dire qu’il ne veut pas vivre, qu’il souffre trop.
Retour chez les médecins, les psychologues, l’hôpital où on nous repropose la même chose (thérapie familiale, relaxation, etc.…)
Nous consultons un psychiatre en libéral qui diagnostique notre fils bipolaire.
Nous allons à Bordeaux au centre de Bipolarité pour un diagnostic renforcé. Après six mois, le psychiatre de Bordeaux ne valide pas ce diagnostic.
Nous obtenons enfin un rendez vous au Centre du Sommeil à Bordeaux, et après trois rendez vous on propose à notre fils de la mélatonine. Ça ne fonctionne pas et leurs compétences s’arrêtent là .
Notre fils est de plus en plus mal, il veut toujours mourir et nous demande de l’aider à mettre fin à ses jours.
18 ANS
Nous sommes désespérés de voir notre fils dans cet état et de ne pas trouver de solution, en désespoir de cause, nous prenons rendez-vous chez un autre psychiatre.
Après quatre entretiens, ce dernier nous annonce que notre fils est Autiste Asperger.
Nous contactons une association qui s’occupe des Asperger et qui nous donne les coordonnées d’une psychologue spécialisée pour faire les tests adaptés. (Le CRA de notre région a un délai d’attente de plus d’un an, nous attendons toujours).
Deux mois après le diagnostic, il fait une grave tentative de suicide. Il reste 18 heures à l’hôpital et retour à la maison.
Notre fils est Asperger, nous avons enfin un nom sur sa différence. Nous comprenons mieux ce qui nous est arrivé pendant 18 ans. Que de souffrances pour notre enfant, pour nous parents, que d’incompréhensions, de temps perdu, d’examens, de médicaments, de thérapies qui n’auront servis à rien sinon à nous dérouter un peu plus.
18 années où il a fallu composer chaque jour, chaque nuit. Faire avec le regard des autres qui ne comprennent pas pourquoi tout est compliqué.
Maintenant que le diagnostic est posé, cela ne résout rien, mais évite les chemins de traverses .
Comment l’aider à trouver une qualité de vie (sommeil, autonomie, moins de souffrances...)
et surtout arrêter de faire semblant d’être neuro typique et évoluer avec ses capacités hors normes.
Depuis sa naissance, nous disons à tous les professionnels de santé qu’il y a quelque chose qui ne va pas, nous signalons ses insomnies, ses cris, sa façon d’engloutir la nourriture, d’être comme hors de lui, qu’il ne croise pas le regard avant 18 mois, qu’il se tape la tête à 3 ans en disant « je suis con », qu’il a beaucoup de mal à se faire des copains, mais rien, sans doute parce qu’il marche, parle et est bien respectueux des règles. Bref, un résumé du syndrome d’asperger à lui tout seul. Pendant 18ans nous sommes tombés sur des professionnels qui ne connaissent pas le syndrome d’Asperger. Notre persévérance nous a enfin permis de rencontrer un psychiatre compétant.
Il n’y a jamais eu d’échange entre les professionnels de santé. C’est nous qui tenions une sorte de journal de notre fils, mentionnant tous les traitements médicamenteux, les examens radiologiques, les thérapies, les tests divers, etc ….
Nous avons eu de gros problèmes pour gérer la présence nécessaire auprès de notre enfant qui manque régulièrement l’école. C’est tout un retentissement sur la vie au quotidien qui ne se voit pas de l’extérieur.
Aujourd’hui, La MDPH nous oriente vers un SAMSAH, il y a des délais d’attente et il va falloir tout recommencer depuis le début. Les thérapies qui semblent donner des résultats ne sont pas remboursées (neuro feed back, EMDR ou encore des techniques de massages adaptées, etc ….)
En 18 ans, beaucoup de moyens et d’énergie ont étés engagés sans aucun résultat.
Témoignage de la maman de J
Uu 4ème plan autisme : comme beaucoup de parents nous sommes inquiets quant au devenir de nos enfants. J’ai 2fils dont l’ainé qui a 33ans et qui a été diagnostiqué à 29 ans !quelle perte de temps et tant de questions.
Vous voyez votre fils grandir, il est différent des autres mais vous ne savez pas pourquoi. Je n’aborde pas les moqueries et le harcèlement scolaire. Jonathan a eu la possibilité de faire des études, a su lire à 4ans et demi, Jonathan est un peu une encyclopédie. Comme beaucoup d’Autistes Asperger, Jonathan n’a pas de travail, les entreprises ne sont pas prêtes à les accepter. Alors un autre plan autisme qui nous fait toujours espérer pour nos enfants…
Il faudrait déjà penser au diagnostic précoce, à la formation des médecins pour éviter de vous entendre dire : mais Mme votre fils est adulte..J’ai découvert l’autisme Asperger en lisant un roman de Tatiana de Rosnay : Moka donc merci à elle, c’est un peu dramatique quand même dans un pays comme la France .J’ai donc moi-même fait les démarches pour obtenir un bilan : quand on téléphone au CRAIF on a le droit à cette petite phrase votre fils est adulte, effectivement mais il ne fera pas les démarches ; attente minimum 1 an.
Mais quand le diagnostic tombe, c’est le soulagement car on peut mettre un nom sur les bizarreries de son fils. Un autre point important : la prise en charge. Comme beaucoup d’autistes Asperger J voit une psychologue ce qui lui permet de calmer ses angoisses mais aucun remboursement, les enfants autistes vont devenir des adules et ont besoin de cette prise en charge.
J'ai eu la chance de faire des études et a même participé à questions pour un champion, le cognitif fonctionne mais le travail n’est toujours pas là. Les autistes Asperger sont capables de travailler, les entreprises peuvent leur donner cette chance avec un poste de travail aménagé : Il ne faut pas les laisser tomber. Ils ont un handicap invisible qui vont les pénaliser par rapport au regard des autres.
Mais avant d’être des adultes ce sont des enfants et là on aborde la scolarisation : il faut scolariser les enfants autistes en milieu ordinaire, il faut juste les accompagner d’où la nécessité d’avoir des AVS formés à l’autisme, il faut recruter : Jonathan, si le diagnostic avait été précoce aurait bien voulu un ou une AVS :pourquoi :sa réponse :
POUR LES AUTRES .Pour conclure et pour résumer :diagnostic précoce, formation des médecins ;scolarisation des enfants, intégration par le travail. Ne pas oublier les adultes Asperger pour éviter l’isolement. On ne sera pas toujours là
Maman de J